Victor Hugo (Litterature et Philosophie melées)
(Versión libre en español por Gabriela Marrón)
Los grandes poetas son como las grandes montañas: generan muchos ecos. Sus cantos se repiten en todas las lenguas, porque su nombre se encuentra en boca de todos. Y Homero, incluso más que los demás, debe a su inmenso renombre el privilegio o la maldición de poseer una multitud de intérpretes. En todos los pueblos, incapaces copistas e insípidos traductores han desfigurado sus poemas; y desde Accius Labeo, que exclamaba:
Crudum manduces Priamum Priamique puellos; «Que manduques crudo a Príamo y sus hijos»;
hasta aquel valiente contemporáneo de Marto que le hacía decir al cantor de Aquiles:
Lors, face à face, on vit ces deux grands ducs Piteusement sur la terre étendus; «Entonces, frente a frente, se ven ambos duques piadosamente tendidos en tierra»;
desde el siglo del gramático Zolá hasta nuestros días, es imposible calcular el número de pigmeos que han intentado, uno tras otro, levantar la masa de Hércules.
Hágame caso, no se mezcle con esos enanos. La traducción suya se encuentra todavía en borrador, usted tiene la suerte de estar aún a tiempo de quemarla.
¡Una traducción de Homero al francés, en versos! Es monstruoso e insostenible, señor. Le garantizo, a conciencia, que me indigna su traducción.
No voy a leerla, por cierto. Prefiero ahorrarme el placer. Declaro que una traducción en versos, sin importar quién sea el autor traducido, ni quién la haya hecho, me parece una cosa absurda, imposible y quimérica. Y algo conozco del tema yo, que he rimado en francés (y lo había ocultado cuidadosamente hasta hoy) cuatro o cinco mil versos de Horacio, de Lucano y de Virgilio; yo, que sin duda se bien todo lo que pierde un hexámetro cuando se pasa a un alejandrino.
¡Pero Homero, señor! ¡Traducir a Homero !
¿No sabe usted que la sencillez de Homero ha sido siempre el escollo de sus traductores? Madame Dacier hizo de ella algo trivial; Lamotte-Houdard, una cosa árida; Bitaubé, un texto estúpido. François Porto dice que se necesitaría ser un secundo Homero para elogiar dignamente al primero. ¿Quién habría que ser entonces para traducirlo?
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A un traducteur d'Homère Victor Hugo (Litterature et Philosophie melées) Les grands poëtes sont comme les grandes montagnes, ils ont beaucoup d'échos. Leurs chants sont répétés dans toutes les langues, parce que leurs noms se trouvent dans toutes les bouches. Homère a dû, plus que tout autre, à son immense renommée le privilège ou le malheur d'une foule d'interprètes. Chez tous les peuples, d'impuissants copistes et d'insipides traducteurs ont défiguré ses poëmes ; et depuis Accius Labeo, qui s'écriait:
Crudum manduces Priamum Priamique puellos; «Mange tout crus Priam et ses enfants»;
jusqu'à ce brave contemporain de Marot qui faisait dire au chantre d'Achille:
Lors, face à face, on vit ces deux grands ducs Piteusement sur la terre étendus;
depuis le siècle du grammairien Zoïle jusqu'à nos jours, il est impossible de calculer le nombre des pygmées qui ont tour à tour essayé de soulever la massue d'Hercule.
Croyez-moi, ne vous mêlez pas à ces nains. Votre traduction est encore en portefeuille ; vous êtes bien heureux d'être à temps pour la brûler.
Une traduction d'Homère en vers français! c'est monstrueux et insoutenable, monsieur. Je vous affirme, en toute conscience, que je suis indigné de votre traduction.
Je ne la lirai certes pas. Je veux en être quitte pour la peur. Je déclare qu'une traduction en vers de n'importe qui, par n'importe qui, me semble chose absurde, impossible et chimérique. Et j'en sais quelque chose, moi, qui ai rimé en français (ce que j'ai caché soigneusement jusqu'à ce jour) quatre ou cinq mille vers d'Horace, de Lucain et de Virgile ; moi, qui sais tout ce qui se perd d'un hexamètre qu'on transvase dans un alexandrin.
Mais Homère, monsieur! traduire Homère!
Savez-vous bien que la seule simplicité d'Homère a, de tout temps, été l'écueil des traducteurs? Madame Dacier l'a changée en platitude ; Lamotte-Houdard, en sécheresse ; Bitaubé, en fadaise. François Porto dit qu'il faudrait être un second Homère pour louer dignement le premier. Qui faudrait-il donc être pour le traduire?
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